On entend souvent dans les conseils de jardinage qu’il est bon de « pailler ». Ce terme générique indique souvent une manière d’éviter la repousse des plantes non attendues. Mais est-ce vraiment la seule raison que l’on aurait à le faire ?
Le paillage dans ce sens revient à mettre au sol une couche de matériaux servant à couper la photosynthèse. Cette occultation de la lumière prive les plantes de leur principal moyen de développement et limite donc la pousse. Pour ce faire le marché propose tout et n’importe quoi. Plastique tissé, non tissé, toile de fibre naturelle, cailloux, pailles et broyats et j’en oublie sûrement. Dans ce super catalogue, tous les produits ne se valent évidemment pas. Mais qu’est ce qui définit cette valeur attendue ?
Mettre une bâche, occulte, mais n’empêche pas le tassement et n’enrichit pas le sol. Qu’elles soient micro-respirantes ni changera pas grand-chose. La porosité est si faible que la plupart du temps l’eau ne s’infiltre que peu. On obtient un effet un peu délétère de cycle de transpiration et ré infiltration sans renouvellement aérobie ce qui amène à une « macération » de la terre et un appauvrissement des horizons O/A présent dessous (voir article sur les bâches de paillage).
Si un paillage sert dans certain cas à éviter la pousse, il doit également servir à limiter l’effet de battance des pluies, limiter l’évapotranspiration (asséchement des sols) et favoriser la création d’humus (Horizon O) qui servira à enrichir ou simplement créer une couche de terre arable (Horizon A). Celle-ci permettant le développement de toute la micro faune, les bactéries, les champignons et participer à la vie des auxiliaires du jardin. Celle qui donne vie et permet de créer un écosystème. Car ne l’oublions pas tout vient du sol et de la lumière. Ce principe a longtemps été mis de côté. Pourtant un terrain paillé régulièrement au naturel verra son équilibre renforcé et le développement des adventices se modifier, réduire voir disparaitre.
Heureusement les temps changent et la pratique du paillage au naturel revient. Les grands utilisateurs de bâches se voient proposer des solutions alternatives. Mettons en lumière les intissés faits à partir de fibres de chanvre, lin, jute ou sisal. Ces «toiles» vendues en rouleau se posent quasiment de la même façon que les bâches mais elles respirent, laissent vraiment passer l’eau. Là où les produits actuels se dégradent en laissant des micros particules dans le sol, celles-ci se dégradent en enrichissant le sol de matières naturelles entièrement consommées. Même le temps de couverture peut être calculé selon l’épaisseur de la toile naturelle. Nous retombons bien sur le principe occultation, enrichissement. Le problème reste les prix encore trop excessifs.
Le plus abordable en la matière reste le copeau ou broyat de bois. Souvent issus des « déchets » de l’agroforesterie, ils sont une denrée renouvelable précieuse. Mais là aussi il faut être vigilant. Le commerce vous propose ces paillages à prix d’or. Cet effet est lui aussi contreproductif pour la pratique.
Si le produit est cher vous regardez à la dépense, vous achetez avec parcimonie. Mais un paillage efficace doit être placé en couche d’au moins 20cm à la pose ce qui le fera revenir à 15cm après compactage naturel. C’est cette épaisseur et le poids que cela représente qui limite la pousse, car à part quelques plantes comme le liseron, beaucoup ne franchiront pas cette barrière trop importante. Mettez en 3cm et l’effet sera nul.
Malheureusement c’est souvent le résultat causé par un coût trop important de la matière première. Surtout que la couche doit être entretenue régulièrement car au niveau du sol le bois se dégrade sous l’action des dégradeurs (champignons, bactéries, insectes etc..). Une fois décomposé et transformé, la matière enrichie le sol, mais le paillage, lui, diminue. C’est un cycle qui est perpétuel dans les milieux naturels. Mais votre jardin, lui, n’a pas forcément cette capacité. Donc le paillage se renouvelle. Ce que peu de gens feront si cela est trop coûteux.
Une autre solution vient de nos propres espaces à entretenir. Nous avons l’habitude d’exporter nos « déchets » verts sur des plateformes de traitement, mais la plupart de ces produits de tailles ou tontes représentent une forme de paillage aux apports très différents. Nous sommes riche de ces déchets qui au final n’en sont pas. Broyés et installés in situ c’est autant de paillage que nous n’avons pas à acheter et importer.
Reste une catégorie. Les paillages minéraux. Souvent ils sont placés en décoration pour couvrir les bâches. Dans ce cadre l’effet est donc nul. Par contre sans bâche directement au sol cela peut être intéressant. Moins simple que le paillage végétal, mais possible. La difficulté tient à la constitution d’une couche suffisamment opaque. Le calibrage du paillis est donc primordial. Trop gros, les interstices sont importants et les plantes trouveront leur chemin. Trop petits, certaines pionnières y trouveront leur compte. Le mélange des deux n’est pas un mauvais compromis. Reste que le poids entraine le tassement du sol et que l’enrichissement n’a pas lieu. Il est simple de comprendre que ce paillage est préférable en terrain pauvre.
Il y aurait donc des paillages de terrains riches et de sols pauvres. Des paillages utiles, fertiles et d’autres inertes et d’autres encore néfastes pour les écosystèmes.
Alors pourquoi pailler? Hé bien pour tout cela à la fois. A l’exception de la bâche qui ne sert que dans des cas très précis comme « la solarisation » (qui à mon sens devrait être l’exception). On choisi son paillage en fonction de ce que l’on recherche. le paillage végétal enrichira et sera donc conseillé pour les cultures de plantes ayant un fort besoin en apport. la couverture minérale pour les plantes de terrains secs et pauvres. Savoir pailler c’est donc connaitre le milieu sur lequel on intervient. C’est aussi savoir que dans certains cas il est mieux de ne pas couvrir un sol pour laisser faire la nature.
Pour allez plus loin :
Les bâches de paillage : https://blogue.terrasalica.fr/2016/07/les-baches-de-paillage-entre-innovation-et-compromis/
GéoChanvre : https://youtu.be/mSl7UO-KXHg – https://www.geochanvre.fr/
Ademe : Compostage et le Paillage
Thèse sur la modélisation des effets d’un paillis 1er Partie
Thèse sur la modélisation des effets d’un paillis 2ème partie